
Ambassadeur de la République de Corée en France depuis septembre 2012, S.E.M. LEE Hye-Min accorde à Corée Magazine une interview exclusive afin d’aborder la question des relations franco-coréennes.
Les relations franco-coréennes, devenues passion dévorante
Les relations entre la France et la Corée durent depuis maintenant 177 ans, date à laquelle la première mission catholique française arrive en Corée, peu après l’ouverture des frontières du royaume ermite. Un traité d’amitié, de commerce et de navigation est signé en 1866 et scelle une amitié qui perdurera jusqu’à ce jour. En 1867, Maurice Courant, le père des études coréennes en France, pose le pied au Pays du Matin Calme. L’annexion japonaise voit la cessation des relations franco-coréennes, qui reprendront de plus belle lorsque la France envoie des troupes aider l’armée du Sud à défendre l’idéologie démocratique.
L’histoire moderne de la Corée donnera raison au contingent français, et les relations reprennent de plus belle, débouchant sur une cérémonie pour le 120e anniversaire des relations diplomatiques entre les deux pays en 2006. C’était sans compter sur la vague coréenne, qui s’abat sur l’Hexagone quelques années après seulement. La France devient l’un des premiers pays non asiatiques à consommer activement la culture coréenne, qu’il s’agisse de littérature (Hwang Sok-yong, grand favori parmi les auteurs coréens traduits en français, a récemment bénéficié d’une traduction de son roman « Bari Tegi » [바리대기] ; ou encore Ch’oe Yun, qui a longtemps résidé en France), de dramas ou du fameux happening de PSY au Trocadéro en 2012, qui a rassemblé 20 000 fans français.
Afin d’expliquer ce qui lie ces deux pays en apparence si différents, nous avons rencontré S.E.M. LEE Hye-Min, Ambassadeur de la République de Corée en France.
Après un master de droit coréen, M. Lee découvre la France lors de ses études de français à Vichy, dans le cadre d’un programme gouvernemental, avant de poursuivre un DEA de droit public à l’Université de Clermont-Ferrand. Il part ensuite à Paris, où il étudie à Sciences Po et à l’Université Paris I, où il obtient un doctorat en économie.
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Corée Magazine (CM.). M. l’Ambassadeur, vous avez fait une partie de vos études en France et y êtes aujourd’hui en poste. Que vous a apporté votre expérience française ?
S.EM. LEE Hye-Min (LHM.). Du point de vue linguistique, mon expérience des études en France m’aide beaucoup à participer activement à une variété d’évènements et à des séminaires qui se déroulent en français. De plus, cela m’est très utile pour élargir et approfondir les échanges avec les personnalités françaises.
Dans le passé, ayant habité à Paris mais aussi en province, j’ai pu découvrir la richesse de la culture et de la gastronomie française ainsi que la diversité géographique du pays. Je crois bien que mon expérience en tant que résident en France, où je n’étais pas un simple visiteur ou touriste, m’a fait mieux comprendre la France, et m’a permis de développer mon attention et mon affection pour elle.
CM. La France possède-t-elle un attrait particulier pour les étudiants coréens ?
LHM. La France a fourni les éléments essentiels à la constitution et à l’établissement des fondements de la civilisation moderne à travers la promotion des valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. Elle est largement reconnue comme un pays majeur du rayonnement de la culture et de l’excellence artistique.
CM. Cela semble s’appliquer également pour les études d’arts telles que la musique et le cinéma, ou encore l’architecture.
LHM. Je suis très heureux que de nombreux étudiants coréens aient la chance de découvrir la culture et l’art français car je suis persuadé que le renforcement des échanges humains sert de fondement au développement des relations bilatérales. Ces échanges participent à l’amélioration de notre compréhension mutuelle.
De même, le nombre de jeunes français qui veulent apprendre la culture et la langue coréenne et qui partent pour la Corée, est en augmentation. J’espère qu’ils seront encore plus nombreux à avoir l’opportunité de découvrir la culture coréenne.
En tant qu’Ambassadeur de Corée en France, M. LEE met l’accent sur le développement des relations coréano-françaises dans tous les domaines tels que la politique, l’économie et la culture, et porte une attention toute particulière à la croissance des échanges. « Les deux pays étant des alliés traditionnels, nous mettons l’accent tant sur la promotion des relations économiques et commerciales que sur la sensibilisation à la culture coréenne et la protection des ressortissants coréens », dit-il.
CM. Alliés traditionnels et intérêts communs sont des aspects qui perdurent et s’accentuent pour de nombreux domaines. La France restant un pays attrayant pour le monde coréen.
LHM. La France reste toujours un pays majeur de l’industrie culturelle et sa compétitivité dans ce domaine est de premier rang au niveau mondial, et, dans le même temps, c’est la 1ère destination touristique au monde. Son attrait consiste non seulement dans la possession d’un riche patrimoine culturel mais aussi dans le développement et dans la conservation de celui-ci. Depuis toujours les Français éprouvent pour leur culture un amour indéniable et cela leur permet d’entretenir la créativité de chaque individu.
La France est aussi un partenaire privilégié pour le gouvernement coréen qui met en avant la mise en œuvre de nouveaux moteurs de croissance autour de l’économie créative et de la coopération dans le domaine des nouvelles industries futures. Dans le même temps, il entend dynamiser l’industrie culturelle créative et renforcer les échanges culturels.
CM. D’ailleurs, les saisons croisées approchent à grand pas (Ndlr. Saisons croisées France-Corée en 2015 et 2016), appuyant ainsi de nombreux aspects de cette relation bilatérale.
LHM. Je pense qu’il existe encore un fort potentiel de coopération entre nos deux pays dans de très nombreux domaines tels que la culture, l’économie, l’enseignement, la technologie et les sciences. Le renforcement de nos coopérations ne pourra reposer que sur la multiplication de nos échanges et sur l’amélioration de notre compréhension mutuelle.
La célébration du 130ème anniversaire de l’établissement de nos relations diplomatiques, marquée par l’organisation de ces saisons culturelles croisées, constituera l’occasion idéale pour développer nos échanges et renforcer notre coopération bilatérale à travers les nombreuses manifestations culturelles, économiques ou scientifiques qui seront proposées aussi bien à Séoul qu’à Paris.
CM. L’intérêt que porte les français à la Corée est grandissant, et diffère d’autres pays. A ce titre, nous faisons un constat frappant : la Corée est plus visible à Paris qu’à Londres ! Effectivement, Paris accueille de nombreux évènements culturels, mais également de nombreux restaurants coréens et épiceries. A Londres, au-delà de quelques restaurants présents au cœur de la ville, il faudra prendre le train pour rejoindre le « quartier coréen » de Londres.
LHM. En comparaison avec d’autres villes du monde, Paris est, me semble-t-il, une ville ouverte et accueillante. La diversité culturelle est dans ses gènes. Et cette diversité est une force motrice du développement artistique et désormais économique. C’est pour cela que la France occupe cette place prépondérante dans l’industrie culturelle. […]
La Corée et la France ont, toutes deux, un patrimoine culturel extraordinaire, qu’il soit matériel ou immatériel. Ces deux pays sont aussi à la pointe en matière de haute technologie et dans les domaines scientifiques. Ils ont donc beaucoup à partager.
Comme convenu d’ailleurs lors du Sommet entre les Présidents coréen et français, les deux parties devront prêter une attention toute particulière au potentiel de la coopération culturelle et œuvrer de concert au développement de l’industrie culturelle créative. Leur objectif commun est que cette industrie devienne un véritable moteur de croissance.
CM. L’accent est donc mis sur l’évolution de l’industrie culturelle coréenne dans le monde ; et notamment en France qui a accueilli récemment Mme la Présidente Park Geun-hye lors d’un évènement dédié aux dramas coréens.
LHM. Notre gouvernement a défini « la prospérité culturelle » comme l’un des 4 piliers de sa politique. Nous appuyant sur notre compétence culturelle, nous souhaitons contribuer au bonheur du peuple coréen, voire au développement de la culture mondiale.
La Corée a une histoire 5 fois millénaire et un remarquable patrimoine culturel. Aujourd’hui, avec le « Hallyu», la culture coréenne suscite un véritable engouement dans le monde. Afin de la diffuser plus encore à l’international, notamment en France, le gouvernement mène une politique d’organisation et de soutien de manifestations culturelles très variées.
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Les relations bilatérales sont fortement appuyées par la Corée, et la France accueille vivement les investissements coréens. A titre d’exemple, les efforts du gouvernement coréen ont été récompensés en France, où deux chaînes de télévision coréennes font maintenant partie du bouquet proposé par Free : Arirang TV et KBS World, toutes deux destinées à un public international.
Les dramas et dessins animés ont néanmoins plus de mal à trouver des distributeurs, le marché étant toujours perçu comme « un marché de niche ». La musique coréenne quant à elle a été la première à trouver grâce aux yeux des producteurs : le succès fulgurant de PSY aurait pu être prédit suite aux efforts fournis par les fans français lors de la venue des artistes de SMTown, premier label coréen, dès 2010. Le concert initial se jouant à guichet fermé et représentait les principaux talents du moment tels que Girls Generation [소녀시대], Shinee, Super Junior ou encore les Dong Bang Shin Gi [동방신기]. Il ne reste qu’à espérer que la passion dévorante du public français pour la culture coréenne dans tous ses aspects parvienne à développer de nouveaux accords économiques.
[Un grand merci à Son Excellence Monsieur Lee Hye-Min ainsi qu’à l’Ambassade de la République de Corée en France.]
Propos recueillis par Nathalie, reportage additionnel par Ségolène.
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