
A l’occasion d’un événement littéraire le 22 avril 2017, organisé par le Musée Guimet, rassemblant Jung Young-Moon, auteur coréen du roman Un Monde dénaturé (2011) à paraître en mai 2017 chez Decrescenzo Editeurs et Oscar Coop-Phane, auteur français du roman Mâcher la poussière paru chez Grasset en 2017, nous avons souhaité vous donner un avant-goût des ouvrages et de leurs auteurs.
La Corée en partage
En apparence, tout oppose ces deux romans : deux auteurs d’origines différentes marqués par des cultures et une génération différentes, des intrigues aussi distantes que l’Océan Atlantique (l’une se passe à San Francisco, l’autre à Palerme, en Italie). Et pourtant, nous voici face aux mêmes questionnements sur soi, sur la vie, sur l’homme, et le fil conducteur qui apparaît nous permet de faire le lien entre ces deux écrits. Les thèmes qu’ils traitent suffisent à les rapprocher et à créer des échos. La solitude des personnages principaux se construit dans une forme d’exil et de mise à l’écart propre à chacun. Dans Mâcher la poussière, le baron Stefano échappe à la mort et doit affronter la mise au banc de la société tandis que dans Un Monde dénaturé, le narrateur se retrouve confronté à un exil géographique. C’est un combat intérieur mené dans la solitude auquel se livrent les deux protagonistes. Il y a fort à parier que la mise en perspective de ces deux récits et le dialogue entre leurs créateurs aboutira à un débat enrichissant lors de cette rencontre littéraire au musée Guimet le 22 avril 2017.
Jung Young-Moon, auteur incontournable de la littérature coréenne contemporaine
Romancier, auteur de nouvelles, traducteurs, dramaturge et professeur, Jung Young-Moon multiplie les casquettes. Né à Hamyang dans le Gyeongsang du Sud en 1965, il est diplômé en psychologie de l’Université Nationale de Séoul (SNU). Ses débuts dans le monde de la littérature commencent en 1996 avec un roman intitulé « Un être humain qui existait à peine ». Dans le monde littéraire depuis une vingtaine d’années, les écrits de Jung Young-Moon sont encore peu connus en France. Quelques-uns de ses ouvrages ont été traduits en anglais et en français. En Corée du Sud, Jung a remporté quatre prix littéraires en Corée du Sud. En 1999, il obtient notamment le Prix Littéraire Dongseo pour le recueil de nouvelles intitulé Pour Ne Pas Rater Ma Dernière Seconde (titre choisi pour l’édition française). Son dernier roman, paru en 2011 et traduit en français pour la première fois dans un ouvrage à paraître cette année sous le titre « Un Monde dénaturé », a connu un grand succès en Corée du Sud en remportant trois distinctions en 2012 : le Prix Dong-in, le Prix Han Moo-sook et le Prix Daesan.
Semi-autobiographique, le roman « Un Monde dénaturé » de Jung Young-Moon raconte deux séjours effectués sur la côte ouest des États-Unis. Lors de son premier voyage, il a passé du temps avec une ex petite-amie et son nouveau copain mexicain sur fond de paysage désertique. Quelques années après, son second voyage prend place à San Francisco. Il espérait y trouver l’inspiration pour écrire un roman. Le roman se divise en chapitres qui reposent en grande partie sur le monde environnant, ne faisant pas directement apparaître de fil conducteur et donnant l’idée que ce qui entoure le narrateur offre un terreau propice à l’écriture. La dimension descriptive se révèle à mesure que l’auteur guide le lecteur dans San Francisco et ses environs. La lecture du roman est d’ailleurs plaisante grâce à l’esprit avec lequel l’auteur aborde chaque rencontre.
Reposant sur un séjour en Californie véritablement réalisé par l’auteur, le récit suit les aventures du narrateur tout en partant d’expériences bien réelles. La trame narrative suit davantage le ressenti et la sensibilité du narrateur qu’une intrigue à proprement parler. L’idée derrière une intrigue aussi simple semble être de laisser la place à l’émerveillement, à la réflexion et à l’élaboration de la langue. Jung Young-Moon parvient à créer un univers propre et il nous y fait aisément entrer. A la lecture du roman s’ajoute le reflet d’une personnalité marquée par sa singularité. Ce récit du quotidien et de ce qui entoure le narrateur, par son caractère chaleureux et réfléchi, donne lieu à une forme de divertissement presque pascalien afin d’éviter l’ennui.
Oscar Coop-Phane, jeune talent de la scène littéraire française
A 28 ans, Oscar Coop-Phane publie déjà son quatrième roman Mâcher la poussière (2017) chez Grasset. Prix de Flore 2012, son premier roman Zénith-Hôtel (2012), paru aux éditions Finitudes, avait marqué les esprits par sa maturité et par son style. Il revient sur les devants de la scène littéraire avec un roman qui reprend les traits de son premier succès : celui du huis clos.
L’intrigue est simple : c’est celle d’un fait divers raconté, survenu en Italie. Un riche propriétaire terrien, le baron Stefano, surprend un enfant en train de voler des amandes sur ses terres. L’homme tire sur l’enfant et le tue mais il ignore que cet enfant vient d’une famille liée à la mafia. Pour assouvir sa vengeance sur cet homme, la mafia décide de lui laisser la vie sauve et de l’enfermer dans un luxueux hôtel. Il se retrouve piégé dans une prison dorée, totalement mis à l’écart. Les scènes, toutes rédigées au présent, permettent de suivre le baron dans son quotidien et de saisir les enjeux de cet enfermement. Il est à la fois isolé du monde extérieur, du monde réel et du microcosme que constitue l’hôtel. Dans ce huis clos, tous sont conscients du statut particulier de ce résident. Cet enfermement le place à la marge sans l’être pour autant. Il est épié. Ses moindres faits et gestes sont surveillés de l’extérieur comme de l’intérieur. Alors qu’il est pris dans ce labyrinthe, il n’essaie pas de s’échapper et il trouve différents remèdes pour égayer la solitude. L’auteur a voulu représenter ce quotidien et la façon de le vivre. On suit le baron à travers ses rencontres et ses péripéties. Il connaît la séduction et l’amour avec une femme de chambre, tombe dans la débauche et dans la drogue avec le barman de l’hôtel et il lie une relation d’amitié avec un poète tourmenté. Ces rapports humains marquent son quotidien. Le crime qu’il a commis fait de lui quelqu’un de mauvais mais par sa situation qui mêle solitude et mise à l’écart, il devient un personnage à plaindre aux yeux du lecteur. En s’intéressant aux hommes et à leurs caractères, l’auteur nous fait plonger dans un microcosme intriguant et il laisse la porte ouverte à une réflexion ontologique.
Rendez-vous le samedi 22 avril 2017 à 14h au musée Guimet !
En partenariat avec : le musée Guimet, les éditions Grasset, les éditions Decrescenzo et Keulmadang.
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