
Les manifestations coréennes restent rares au Royaume-Uni, que la vague hallyu n’a pas encore touché. C’est pourquoi l’organisation de deux expositions sur les Corées est un événement notable dans le calendrier britannique. Si l’une traite de la vie en Corée du Nord, l’autre se veut une initiation à la Corée du Sud, depuis les hanbok colorés au samulnori en passant par des mix aux basses lourdes ou encore l’art moderne.
Le pays le plus fermé du monde a fait couler beaucoup d’encre, qu’il s’agisse des nombreuses attaques présumées au Sud, de la famine qui fait régulièrement rage ou encore des atteintes aux droits de l’homme. Plus récemment, la disparition médiatique de Kim Jong-un pour raison de mauvaise santé a trouvé sa place dans de nombreux journaux, montrant une fois encore la fascination de la presse internationale pour la république démocratique.
Loin du florilège d’articles, le British Council a organisé une exposition ayant trait à la vie des nord-coréens dans l’une des institutions les plus anglaises qui soient. L’événement, intitulé Above the Line (Au-delà de la ligne, en référence au 38ème parallèle), se voulait une représentation réaliste de la vie en Corée du Nord. Pourtant, force est de noter qu’on est loin des témoignages de réfugiés que nous avons traité à maintes reprises lors du cycle Focus Corée 2013, qui donnait la part belle à l’énigme du Nord.
Si le régime est parvenu à présenter Pyongyang comme une ville futuriste avec des gratte-ciels dignes de ceux de Séoul, l’omniprésence de la propagande combinée à un calme alarmant ne dupe pas. La mise en scène on ne peut plus travaillée ne suffit pas à masquer l’absence de désordre tandis que les slogans flattant les prouesses de Kim Il-sung, loin de donner l’illusion d’une démocratie sans égale, rappellent à chaque cliché la force de l’endoctrinement des masses. On salue pourtant la collaboration entre le British Council et le Comité Central aux Relations Culturelles en Corée du Nord, qui permet de découvrir la grande inconnue sous un autre jour, moins lugubre que les goulags filmés en catimini ou les dessins sordides de prisonniers.
Il va sans dire que, si l’exposition redore le blason de la République Démocratique de Corée, le devoir de mémoire reste omniprésent. C’est pourquoi des réfugiés nord-coréens ont pris le risque d’offrir des informations sur les camps de concentration qui peuplent le désert de glace au Nord du pays minuscule. Les pamphlets, bourrés d’images effroyables sur les conditions de vie des citoyens incarcérés, révèlent un niveau de cruauté rarement égalé. Parmi les conditions de vie, ils présentent une créativité dans la variété de tortures disponibles, ainsi que des habitudes alimentaires déplorables. Tout ceci participe de la propagande nord-coréenne centrée autour du Grand Leader, qui ne saurait souffrir aucune incartade, à tel point que des enfants n’ont jamais vécu hors des barbelés du camp car un membre de leur famille a été dénoncé au régime pour un écart de conduite. La jeunesse nord-coréenne est aussi fortement endoctrinée, le service militaire durant entre huit et dix ans.
En parallèle d’une exposition douce-amère sur la Corée du Nord, le Victoria and Albert Museum, plus connu pour sa collection d’arts décoratifs, a accueilli une soirée dédiée à la Corée du Sud sous le mécénat de Samsung. Non content de son statut de premier fournisseur d’électronique grand public, Samsung joue son rôle d’apôtre de la Corée à la perfection. Si le chaebol doit sa prospérité à ses rapports au gouvernement, il le lui rend bien en organisant en grande pompe un événement de qualité dans un haut lieu de la culture britannique.
Cet avant-goût de la culture du Sud, mélange de tradition et de modernité, reflète parfaitement la position du gouvernement quant au soft power coréen : du hallyu aux hanbok, la quasi-intégralité des fleurons de la culture populaire étaient présents dans un florilège de couleurs et de sons tous plus entêtants les uns que les autres. S’il manque d’originalité pour un public initié, le Korean Late Night au V&A a eu le mérite de rassembler en un lieu une partie considérable de l’essence coréenne prête à l’exportation.
Le contraste des organisations et de la visibilité des deux événements renforce une fois encore la perception de deux Corées divisées, incapables de dialogue et vivant dans deux mondes parallèles. Au Royaume-Uni, ce pays où la culture coréenne se résume encore bien souvent à un smartphone Samsung et au kimchi, les manifestations de taille valorisant les Corées sont les bienvenues. On ne peut qu’espérer qu’elles se feront plus fréquentes dans les mois et années à venir.
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