
Parcourant le monde, la compagnie Universal Ballet nous offrait à Paris l’un de ses plus beaux spectacles, « La légende de Shim Chung ». A cette occasion, nous avons eu l’honneur de rencontrer Julia H. Moon, Directrice Générale de la compagnie, et Brian Yoo, Directeur Artistique.
Danseurs merveilleux, chorégraphies, costumes, musique, tout dans ce ballet vous émerveillera et vous fera découvrir des aspects de la culture coréenne. Et pour cause, La légende de Shim Chung est un très ancien conte coréen.
Le rideau s’ouvre sur un village coréen et sur la petite maison de Shim Hak-Kyu, un jeune homme aveugle qui attend patiemment la naissance de son premier enfant. Après quelques minutes, sa petite fille, Shim Chung, lui est apportée mais sa joie va rapidement se transformer en peine lorsque la sage femme lui apprend que sa femme est morte en donnant la vie à son enfant.
Les années passent et la petite fille grandit à ses côtés en essayant de l’aider. […] Un jour, le père aveugle est sauvé par un moine bouddhiste qui lui promet de lui redonner la vue en échange de 300 sacs de riz. Shim Hak-Kyu accepte mais réalise plus tard qu’il est tellement pauvre qu’il lui sera impossible d’honorer sa dette. Pour rembourser sa dette, Shim Chung se sacrifie auprès du capitaine d’un bateau venu chercher un sacrifice humain dans l’espoir d’échapper aux foudres du Roi de la Mer, dit le Roi Dragon.
A l’occasion de la représentation du spectacle au Palais des Congrès de Paris, Julia H. Moon, Directrice Générale, et Brian Yoo, Directeur Artistique du Universal Ballet nous offre une rencontre inoubliable.
Le Universal Ballet parcours le monde, vous êtes aujourd’hui à Paris. Qu’est-ce que cela représente pour vous de montrer le spectacle Shim Chung à Paris pour la première fois ?
Julia H. Moon : En fait, ce n’est pas la première fois car nous étions à Paris en 2003, il y a 9 ans. Nous sommes très heureux aujourd’hui d’être au Palais des Congrès. Bien sûr, nous avons de nouveaux danseurs mais c’est toujours un plaisir d’être à Paris car la France est comme une mère ou un père. C’est là où le ballet classique est né. Le ballet classique que nous connaissons aujourd’hui est né en France et s’est développé en France. Cela signifie beaucoup pour nous de pouvoir danser devant une audience française.
Et pour vos danseurs ?
Brian Yoo : Ils essayent vraiment de faire de leur mieux. Ils veulent offrir leur plus belle performance au public parisien.
Julia H. Moon : C’est un challenge pour eux car, même si le public est important partout dans le monde, c’est très spécial ici. En termes de ballet classique, le meilleur est à Paris. C’est autant un challenge qu’un plaisir.
Ressentez-vous une différence entre votre première fois, il y a 9 ans, et aujourd’hui ?
Brian Yoo : C’était il y a longtemps.
Julia H. Moon : C’est vrai. Mais maintenant que vous posez la question, je ne me souviens plus si c’était pour « Roméo et Juliette » ou pour Shim Chung, mais je me souviens avoir été dans l’arrière scène et les rideaux se refermaient. Tout le monde tapait des mains et tout à coup, j’ai entendu les gens taper avec leurs pieds. Et je me demandais si c’était le bruit du tonnerre car je ne connaissais pas cette tradition. Mais je me disais que, même si c’était vraiment de l’orage, on ne pourrait pas l’entendre de l’intérieur. C’est comme ça que j’ai réalisé que le public faisait ce bruit avec leurs pieds. Je ne savais pas que c’était aussi une tradition française, je pensais que c’était uniquement en Allemagne. A l’époque, le spectacle avait été très bien reçu. Hier aussi d’ailleurs.
Brian Yoo : Je ne suis pas sûr car hier, le public semblait aimer aussi le spectacle. Et à la fin, durant les remerciements, les gens applaudissaient en suivant la musique. Ils avaient l’air très enthousiastes.
Julia, vous êtes à l’origine du personnage de Shim Chung pour ce spectacle. Que représente-t-il pour vous ?
Julia H. Moon : Avant tout, pour la compagnie, ce spectacle est comme une signature. C’est un ballet qui vous fait vous sentir différent, c’est un ballet unique. Mais nous avons aussi un autre ballet qui s’appelle « The love of Chunhyang », chorégraphié par Brian, qui est également devenu très connu en Corée. Mais bien sûr, Shim Chung est bien plus connu car nous avons présenté ce spectacle dans beaucoup de pays.
Et pour moi, c’est très spécial car il a été créé avec moi, j’étais la Shim Chung originale.
C’est vraiment spécial. Le spectacle a été créé en 1986 et la compagnie était encore très jeune, donc d’une certaine façon, le spectacle et la companie ont grandit ensemble. Au fur et à mesure, nous avons fait de nouvelles représentations, nous avons changé des choses, nous l’avons amélioré. Par exemple, avant, il y avait le « pas de 2 », et plus tard nous avons ajouté le « pas de 3 ». Tout le monde a ajouté quelque chose.
Ce spectacle a été modelé par beaucoup de personnes, aimé par beaucoup de personnes, et ce sentiment est très important pour nous.
J’ai remarqué durant le spectacle qu’il y a une évolution du spectacle. Le premier acte est très classique, le second est beaucoup plus moderne car nous sommes dans un monde imaginaire, et le troisième est complètement traditionnel (tradition coréenne).
Quel est pour vous le succès de ce mélange des genres ? Moderne, classique… culture occidentale et asiatique.
Julia H. Moon : D’une certaine façon, c’est un ballet occidental avec de la tradition asiatique. Du coup, beaucoup de gens sont très curieux de découvrir comment nous allons pouvoir mettre ces genres ensemble. Et en réalité, le mélange a été très difficile car si l’on manque d’attention, cela peut devenir très étrange. Cela nous a pris beaucoup d’années pour trouver le bon équilibre. La musique, composée par Kevin Barber Pikard, aide beaucoup.
Ce que j’aime de ce ballet est justement que les actes soient si différents. C’est ce qui est vraiment intéressant. En un spectacle, on peut observer des aspects très différents de la culture coréenne.
Il y a deux ans, nous avons ajouté une scène qui se passe sous l’eau, une projection vidéo. Du coup, le spectacle est assez contemporain car nous ajoutons de nouveaux éléments, même digital.
Brian Yoo : Peut-être qu’il y a 10 ans, le public n’avait pas besoin du digital. Mais peut-être aussi qu’aujourd’hui, il peut apprécier cet aspect. C’est peut-être ainsi que nous apportons du progrès.
Comment s’est passé la préparation de la vidéo, la scène sous l’eau ?
Julia H. Moon : Nos danseurs ont passé une journée entière sous l’eau !
Brian Yoo : Pendant 13h !
Julia H. Moon : Nous avons refait la scène environ 20 fois. Mais le résultat en valait la peine.
Brian Yoo : L’autre scène est aussi très belle mais nous n’avons pas pu la montrer.
Julia H. Moon : Oui c’est vrai. Il y a une autre vidéo que nous ajoutons à l’Acte 2, une scène avec Shim Chung et le Roi dragon dansant sous l’eau. Nous ne l’avons pas projeté cette fois car nous sommes encore en train d’expérimenter.
Le progrès, vous le vivez également. Que voulez-vous apporter à la nouvelle génération de danseurs ?
Brian Yoo : Vous savez, pour tous les danseurs dans une compagnie, le succès n’est pas immédiat. Ils doivent passer par beaucoup d’épreuves et, année après année, ils s’améliorent et aujourd’hui, nos danseurs sont d’un excellent niveau. Bien sûr la technique est importante, mais nous voulons leur donner plus. Nous voulons éduquer leur esprit, leur apporter de la culture, et qu’ils gardent un bon état d’esprit. Dans notre compagnie, nous voulons améliorer à la fois le corps et l’esprit.
Une question spéciale pour vous Julia, en tant que danseuse et directrice, que pouvez-vous nous dire sur la place d’un danseur, particulièrement d’une danseuse dans la société coréenne ?
Julia H. Moon : C’est une très bonne question car, vous savez, l’histoire du ballet en Corée n’a que 60 ans, 70 tout au plus. Ce n’est rien comparé aux centaines d’années en Europe. Et parce que son histoire est courte, pour ma génération, nous sommes comme des pionniers du domaine du ballet en Corée. Quand la compagnie a été créée en 1984, il y a 28 ans, le ballet était encore très inconnu, il n’y avait quasiment pas de public et le niveau des danseurs n’était pas très élevé. Nous devions commencer par les bases car c’était un art inconnu et les danseurs n’étaient pas vus d’un très bon œil.
Je me souviens très bien, si vous disiez que vous faisiez du ballet, ce n’était pas ce qu’on pouvait appeler un métier respectable. Et bien sûr, beaucoup ne comprenaient pas cet art.
Depuis les 20 dernières années, ça a complètement changé. A l’époque, j’amenais mes chaussures de pointe en Corée car il n’y en avait pas de bonne qualité. Je devais donc ramener toutes mes chaussures des Etats-Unis. Et quand l’immigration coréenne ouvrait ma valise, ils ne comprenaient pas ce que c’était.
Quand vous étiez danseur, vous n’étiez pas accueilli chaleureusement. Mais aujourd’hui, tout le monde veut votre autographe.
Concernant le développement de l’image des danseurs classique en Corée, vous avez aujourd’hui des stars comme par exemple Kang Soo-Jin, qui sont les danseurs classique les plus respectées et les plus vues de la profession. Et il y a aussi des stars coréennes qui dansent dans des companies internationales de ballet, comme par exemple à l’Opéra de Paris.
Mais malgré cette évolution, comment se pose la question du mariage ? Est-ce comme les stars de k-pop ? Est-ce un métier suffisamment respectable pour se marier en Corée ?
Julia H. Moon : Beaucoup de nos danseurs sont en couple. Nous avons deux danseuses qui se sont mariées, dont l’une avec un chanteur Pop très connu en Corée.
Et finalement, beaucoup de nos danseurs sont allés à l’Université et ont reçu une éducation supérieure. En termes de société, ils sont très bien et ont une bonne famille. Pour les hommes, c’est peut-être encore difficile. D’autant plus qu’il y a le service militaire obligatoire en Corée. Pour les danseurs homme, c’est un handicap qui les freine dans leur progression car ils ne travaillent pas la danse pendant 3 ans. La seule solution pour ne pas aller à l’armée est de gagner une médaille d’or ou d’argent lors d’une compétition Internationale de Ballet. Du coup, beaucoup de nos danseurs ont au moins une médaille.
Combien y a-t-il d’écoles de ballet en Corée ? Le nombre augmente-t-il ?
Brian Yoo : Il y a tellement d’écoles ! Mais toutes ne sont pas des écoles spécialisées dans le ballet car il y a aussi beaucoup d’écoles d’art qui ont un département ballet, théâtre ou encore musique.
Julia H. Moon : A Séoul, il y a environ huit écoles d’art, ensuite, vous avez des centaines de studios privés.
Comme le Universal Ballet Academy ?
Julia H. Moon : Oui, c’est l’un d’entre eux.
C’est donc de plus en plus populaire.
Julia H. Moon : Oui, et de plus en plus d’étudiants viennent du Japon et de Chine pour étudier le ballet en Corée.
Comme vous le savez, aujourd’hui, nous célébrons Chuseok. Traditionnellement, il faut faire un voeux à la pleine lune.
Brian Yoo : Chuseok est la plus grande fête en Corée.
Julia H. Moon : C’est vrai, on voit notre famille, on donne des cadeaux et de la nourriture. C’est comme Noël.
Quel serait votre voeux ?
Julia H. Moon : J’espère que la performance d’aujourd’hui sera une succès car ce n’est pas tous les jours que nous pouvons être à Paris, et surtout pendant Chuseok. Nous espérons donc que les danseurs danseront bien et que le public aimera le spectacle. Et nous espérons pouvoir revenir !
Brian Yoo : J’espère que nous aurons cette opportunité. Car nous voulons aussi faire découvrir nos autres ballets au public français.
Julia H. Moon : Peut-être que la prochaine fois, nous pourrions montrer « Giselle ». Un spectacle classique que le public connaît déjà très bien. Ce serait un beau challenge.
Pour en savoir plus :
http://www.universalballet.com/eng/
http://www.facebook.com/universalballet
2 Commentaires
seul regret de ce spectacle : ne pas y avoir assisté !
Magnifique! Ill foloww ur events very closely next time in order not to miss smtg like that again:)
keep on the good work!