
De passage à Londres, Corée Magazine a fait escale à New Malden dans la banlieue sud de la capitale britannique : la “Little Korea”, qui comprend restaurants, cafés et salons de coiffure, mais abrite aussi la plus grande communauté de réfugiés nord-coréens du pays. Nous avons rencontré Michael Glendinning, directeur et co-fondateur de l’association EAHRNK (European Alliance for Human Rights in North Korea – Alliance Européenne pour les Droits de l’Homme en Corée du Nord) dont l’objectif principal est de faire prendre conscience aux Européens des enjeux relatifs à la situation des droits de l’homme en Corée du Nord.
L’association contribue également à favoriser l’intégration des réfugiés nord-coréens en Grande-Bretagne en dispensant des cours d’anglais mais aussi en proposant un accompagnement dans les démarches administratives.
Pourquoi avez-vous fondé EAHRNK ?
En 2009, je vivais en Corée du Sud et j’ai été abasourdi par les manquements aux droits de l’homme pratiqués en Corée du Nord. Ce qui m’a le plus chiffonné est que rien n’était vraiment fait pour aider les nord-coréens à vivre décemment. En rentrant au Royaume-Uni, j’ai décidé de fonder l’association EAHRNK avec une sud-coréenne basée ici. Nous avons commencé à tout planifier en juin 2012 et en janvier 2013, le programme était lancé.
Avez-vous dû attendre longtemps avant d’arriver à générer de l’intérêt pour votre activité ?
Etonnamment, tout est arrivé très vite, d’autant plus qu’il n’y avait alors aucun moyen de trouver des informations sur les problèmes de droits humains en Corée du Nord sans être chercheur, activiste ou en poste au gouvernement. Il n’y avait tout bonnement pas d’informations pour le grand public.
Pour nous, l’urgence était de développer des relations fortes avec le secteur politique pour s’assurer que nous pourrions changer les choses rapidement. A l’époque, il n’y avait aucun groupe parlementaire traitant de la question nord-coréenne, et, à part des groupes d’envergure internationale tels qu’Amnesty International, il n’y avait aucune initiative en place.
Aujourd’hui, nous sommes trois salariés permanents accompagnés par une équipe de bénévoles sud-coréens et britanniques. Parmi les coréens, on trouve aussi bien des étudiants en échange universitaires que des jeunes issus de la seconde génération d’immigrés au Royaume-Uni. Malheureusement, beaucoup de jeunes bénévoles sud-coréens font face à une opposition familiale due à l’idée que la question nord-coréenne ne les concerne pas. Pourtant, la majorité des réfugiés nord-coréenns au Royaume-Uni travaillent pour des sud-coréens.
Comment le rôle de l’EAHRNK a-t-il évolué avec le temps ?
La première chose qui nous a frappé est que le nombre de réfugiés est en baisse : entre 2004 et 2008, on faisait face à des centaines d’arrivées. Aujourd’hui, on se situe à environ 15 réfugiés par an en moyenne.
Les gouvernements britannique et sud-coréen ont un accord qui stipule que les nord-coréens sont considérés comme citoyens au Sud, ce qui signifie que les réfugiés sont généralement envoyés en Corée du Sud. Cela a un impact considérable sur notre travail au quotidien.
Nous offrons des aides à l’insertion pour les réfugiés qui essuient des refus du Bureau de l’Intérieur. En parallèle, nos cours d’anglais sont en très forte croissance, et nous avons diversifié notre cursus pour aider les réfugiés à s’intégrer à la société britannique. Nous avons 20 cours différents, et certains réfugiés se connectent même sur Skype depuis la Corée du Sud pour les suivre !
Pour nous, la plus grosse priorité est de créer un réseau avec les différentes organisations et paroisses à New Malden pour aider les enfants de nord-coréens à apprendre le coréen, par exemple. Nous voulons pouvoir aider les réfugiés à trouver la bonne organisation en fonction de leurs besoin : il y a plus de 600 nord-coréens à New Malden et beaucoup d’entre eux peuvent profiter de services annexes aux nôtres, notamment pour trouver un emploi ou un médecin.
Après avoir passé du temps au Royaume-Uni, quel est le rapport des nord-coréens à leur pays d’origine ?
La réponse est quasiment unanime : ils veulent rentrer en Corée du Nord ! Ils attendent juste que la situation change pour pouvoir retourner chez eux, et nous essayons de leur donner les clés pour fonder une société une fois que le changement aura eu lieu.
Penser que les Corées vont être réunifiées et que cela va tout régler est une vision trop utopique, et nous considérons que notre responsabilité est d’aussi d’assurer un futur aux réfugiés qui nous demandent de l’aide. La difficulté est de savoir comment préparer tous ces réfugiés pour la reconstruction de leur pays, et cela passe surtout par un apprentissage de nouvelles compétences. Si la Corée du Nord s’effondrait aujourd’hui, il serait très difficile de reconstruire le pays. Plus de trente mille réfugiés sont non-qualifiés, et nous devons leur donner les clés pour devenir les administrateurs, infirmiers, docteurs et enseignants de demain.
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