
Les controverses autour de la présidence de Park Geun-hye sont sans fin, et la nomination du nouveau Premier Ministre, Hwang Kyo-ahn, suite à des scandales entourant son prédécesseur Lee Wan-koo, ne déroge pas à la règle.
Nommé directement par Park Geun-hye, comme le veut la tradition républicaine coréenne, Hwang a été désigné en un temps record suite à la démission de Lee Wan-koo fin avril. Hwang a la lourde tâche de recadrer le parlement coréen, fortement entaché par les scandales de corruption entourant Lee et la démission expresse de Chung Hong-won suite à la tragédie du ferry Sewol (세월), dont le naufrage en avril 2014 avait coûté la vie à 300 personnes.
Un an après le naufrage fortement médiatisé, force est de constater que l’enquête piétine, tandis que la croissance économique est au plus bas et que l’entourage de la Présidente est la cible de nombreuses critiques. Hwang Kyo-ahn a donc la mission d’assainir le cabinet présidentiel et de redresser l’économie coréenne qui peine à faire face à la Chine d’une part, et à un Japon en regain d’activité de l’autre. Hwang était précédemment Ministre de la Justice, encadrant l’ensemble des mesures punitives de la péninsule. Fort de ce bagage, Hwang est considéré par le cabinet de la Présidente comme la personne « la plus à même de faire cesser la corruption au sein de la société coréenne, et de diriger la mise en place de nouvelles réformes pour la création d’une nouvelle Corée. » La corruption étant un problème récurrent au sein de la classe dirigeante, la tâche de Hwang semble de prime abord considérable, la péninsule atteignant seulement le 43ème rang au sein du classement des pays les moins corrompus de la « Transparency International », une Organisation Non Gouvernementale ayant pour vocation de combattre la corruption à l’échelle mondiale.
La mission de Hwang apparaît d’autant plus complexe que son prédécesseur a récemment démissionné suite à des soupçons de spéculations foncières confirmés par la découverte d’une note l’incriminant lors de l’autopsie de Sung Wan-jong, ancien Président Directeur Général d’un groupe de construction impliqué dans une affaire de détournement de fonds publics. Lee avait au préalable été accusé d’avoir permis à l’un de ses fils d’éviter le service militaire de deux ans, pourtant obligatoire pour tous les hommes de 18 ans et plus. En Corée, la conscription joue un rôle considérable dans la défense face à la Corée du Nord et aux menaces constantes liées aux territoires litigieux tels que les îles Dokdo (독도, aussi Tsushima en japonais) et Ieodo (이어도, aussi Suyanjiao en chinois). Les intercessions de personnages politiques en faveur de leur famille ou proches sont donc perçues comme un manquement aux fondements de la République, et fortement condamnées.
Lee s’était aussi rendu coupable de menaces envers des membres de la presse, les informant lors d’une conversation enregistrée que ses relations avec les entreprises médiatiques privées lui permettaient de punir les reporters qui le présenteraient sous une lumière négative. Cette attitude reflète le rapport non neutre de la classe politique à l’égard des médias coréens, sur laquelle nous reviendrons lors d’un article sur les écoutes du Memogate en juillet. Nommer une personnalité fortement impliquée dans le milieu judiciaire, dont le casier est parfaitement vierge, semble donc la meilleure carte à jouer pour Park Geun-hye.
Ce que cela signifie pour Park Geun-hye
Suite à la valse des Premiers Ministres désignés par Park Geun-hye depuis son investiture il y a deux ans, ce choix n’est pas anodin. Hwang est avocat et a passé toute sa carrière en plaidoiries au sein de différentes cours, ce qui lui confère une image particulièrement fiable. Il semble donc au-dessus de tout soupçon, et l’absence de polémique l’entourant devrait aider la Présidente à regagner la confiance du public. Force est de constater que dans un pays où le Président concentre la quasi-intégralité des pouvoirs, le Premier Ministre a peu voix au chapitre. L’investiture de Hwang, qui n’est rattaché à aucun parti politique, va donc avant tout limiter le risque de critiques à l’égard de la Présidente, consolidant sa position comme dirigeante d’un pays qui doit désormais renouer avec la croissance.
Alors que la grogne populaire atteint des records, tant autour de la question de la Corée du Nord, des scandales des chaebol tels que le « Scandale des Noix » impliquant l’héritière de Korean Air, et les écoutes du Memogate, la nomination de Hwang semble tomber à point nommé. Le nouveau bras droit de Park va pourtant devoir prouver très prochainement qu’il est en mesure de contrer l’ensemble des menaces internes tout en rasseyant la position de la Corée auprès de ses alliés économiques en Asie Pacifique et en Occident. Les prochains mois promettent d’être mouvementés, ce qui ne facilitera pas la tâche d’un Premier Ministre qui est encore majoritairement inconnu de l’électorat. Dans un tel cadre, redorer le blason de Park ne va certainement pas être de tout repos. Aussi Hwang devra-t-il bien s’entourer au sein du cabinet présidentiel avant les élections présidentielles de 2016 qui pourront voir la Corée basculer vers un gouvernement de coalition, voire un candidat plus à gauche de l’échiquier, en complète opposition avec la situation mondiale.
Crédits photo :
Image à la Une : The Korea Herald
Park Geun-hye : http://scienceartsinfo.blogspot.co.uk/2015/01/park-geun-hye.html
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