
Aux lendemains de l’annuel concert de célébration de Kim Kwang-Seok 김광석, nous avons souhaité partager avec vous l’histoire émouvante de l’un des artistes les plus influents de l’histoire musicale sud-coréenne.
Pour la 1ère édition de la Chronique Musicale mensuelle de Corée Magazine, nous avons choisi de vous présenter Kim Kwang-Seok. Artiste folk au style mélancolique des années 80-90, il fait parti de ces musiciens que la génération actuelle n’a pas connu mais dont les parents gardent encore un souvenir empreint de nostalgie. Né en 1964, sa carrière aura été de courte durée. Elle s’arrête en effet soudainement en 1996, année à laquelle l’artiste mettra fin à ses jours après un concert réussi lors duquel il avait pourtant fait bonne figure, selon l’audience, et disait : « Ne soyez pas triste, on ne sait jamais… »
Il avait 32 ans. Il laisse alors une nation entière derrière lui ; nation qui continue encore aujourd’hui de célébrer sa mémoire.
Les débuts d’une grande histoire musicale coréenne
Originaire de la ville de Daegu, dans la province de Gyeongsang, Kim Kwang-Seok grandit à Séoul. Il porte un intérêt fort pour la musique dès ses années de collège où il apprend le solfège ainsi que divers instruments de musique. C’est à son entrée à l’Université de Myongji en 1982 qu’il fait ses premières scènes dans des cafés. Il fait alors une rencontre musicale avec Handol et Kim Min-Gi, figure proéminente des musiques folk et pop ainsi que fervent activiste politique et représentant de la culture jeune en Corée.
Car la Corée du Sud répond à cette époque à de nombreuses protestations des militants au sujet des disparités sociales et régionales intra-urbaines ainsi que des disparités entre les grandes villes et les provinces. C’est ainsi dans cette atmosphère de protestations que se développe la musique folk, pleine des espoirs et revendications d’une jeunesse coréenne en désarroi.
Kim Kwang-Seok rejoint ainsi le groupe d’étudiants activistes et chanteurs « Union of Echoes » avec lequel il fera un album appelé Gaedongi (개똥이) en 1984. Il participe également à l’album « Noraerul Chanun Saramdul – Song Seekers », album réalisé à l’initiative de Kim Min-Gi.
A son retour de l’armée en 1987, Kim Kwang-Seok rejoint à nouveau le groupe « Noraerul Chanun Saramdul » pour un premier concert. La même année, Kwang-Seok enregistre avec des amis musiciens quelques chansons qui retiendront toute l’attention de Kim Chang-Wan, leader du groupe de rock Sanulrim (산울림), qui produira alors leur album sous le nom de groupe Dongmulwon. Cet album marquera les premiers succès de Kim Kwang-Seok et lancera sa carrière.
Dès 1991, son premier album solo est proposé au public et l’artiste sera applaudi tout au long de ses 5 albums. Bien que certains titres marquent un certain nombre de revendications sociales, son œuvre se rapproche de l’individu. L’une des chansons qui aura fortement marqué la Corée est « A letter from a private » (이등병의 편지), d’ailleurs présente dans le film JSA (Joint Security Area) ; cette chanson, initialement composée par Kim Hyun-sung, parle de la douleur de la séparation avec la famille, les amis et la maison. (ndlr. Cette chanson est parfois chantée par les jeunes hommes coréens avant d’entamer leur service militaire).
Par ses mélodies épurées et mélancoliques, entre tristesse et optimisme, Kim Kwang-Seok met en avant le cœur de l’individu, son propre cœur, empli d’amour et de doutes, d’espoirs et d’abattement. Se produisant d’ailleurs principalement avec une simple guitare et une voix brisée et aérienne, Kim Kwang-Seok touche le public coréen ; encore et encore.
Kim Kwang-Seok, le regretté
Kim Kwang-Seok aurait eu 50 ans l’année dernière. Son style et la grande mélancolie de ses textes ont tenu en émoi son public coréen. Dans l’une de ses chansons les plus emblématiques, Il chantait que « les jours partaient comme la fumée s’échappe d’une cigarette », exprimant la peur de vieillir et de se résigner. Son suicide met fin à sa carrière et finit de marquer d’un grand coup sa trace dans l’histoire de la musique coréenne et dans le cœur du public. Ayant marqué profondément la nation coréenne, de nombreux fans refusent encore aujourd’hui de croire au suicide. Quoiqu’il en soit, le peuple coréen continue les hommages.
Pendant sa carrière, Kim Kwang-seok aura notamment foulé la scène du Hakchon Theater de Séoul plus d’un millier de fois. Sans surprise, le président du théâtre n’est autre que Kim Min-Gi, figure importante du paysage musical coréen de l’époque et personnage clé de l’histoire de l’artiste. D’ailleurs, Min-Gi dirige encore aujourd’hui le théâtre, et ce depuis son ouverture en 1991.
Mais l’influence de Kim Min-Gi sur l’évolution de Kim Kwang-Seok ne s’est pas arrêtée au décès de l’artiste. En effet, au-delà des évènements ponctuels organisés dans le théâtre en l’honneur de ce dernier, Min-Gi marquera a jamais le lien qui unissait l’artiste au théâtre. Le 6 janvier 2008, lors du 12ème concert de célébration, une sculpture en bronze représentant Kim Kwang-Seok chantant avec sa guitare, réalisé par Ahn Kyu-Cheol (안규철), est inaugurée à l’entrée du théâtre, perpétuant ainsi sa présence musicale.
Adresse du théâtre : Hakchon Blue Theater 학전블루소극장, South Korea, 서울특별시 종로구 동숭동1-79.
Mais c’est à Daegu, dans sa ville natale, que l’hommage à Kim Kwang-Seok est à son comble. Non loin du marché de Bangcheon, la ville de Daegu accueille une rue de 350 mètres de long dédiée à Kim Kwang-Seok. Le « Kim Kwang-Seok Memorial Street » accueille de multiples peintures murales et diverses sculptures.
Inaugurée en novembre 2010, la rue – aussi appelée « Bangcheon Market Mural Street » – fait co-habiter le marché traditionnel et l’art de rue. C’est en 2008 que le gouvernement propose le projet et invite de nombreux artistes à participer afin de contrecarrer la baisse d’affluence dans les marchés traditionnels. En vous promenant dans cette rue, vous trouverez de nombreuses représentations de Kim Kwang-Seok sous formes de sculptures, dessins et peintures, représentations tout autant réalistes que caricaturales. De nombreuses photos de l’artiste prises lors de ses concerts sont également présentes. Certaines peintures vous permettront de découvrir ses albums, ses concerts, sa vie et sa disparition. D’autres peintures au contraire vous emporteront dans son univers musical et poétique en apportant une vision imagée de ses paroles.
Côté musique, l’hommage est annuel et régulier avec le « Kim Kwang-Seok Tribute ». Chaque année, une tournée de concerts est organisée, faisant le tour de la péninsule sud-coréenne. Il s’agit de la plus grande commémoration annuelle donnée en l’honneur d’un unique artiste. Ainsi, de nombreux artistes de diverses générations se retrouvent sur scène pour partager avec le public un instant musical et nostalgique, parcourant ainsi les plus grands succès de Kim Kwang-Seok.
Cette année 2015, on retrouve notamment des chanteurs reconnus dans l’industrie musicale actuelle tels que Eddy Kim, Kyu Hyun 규현 (membre du groupe de kpop SuperJunior), Park Hak-Gi 박학기, Han Dong-Joon 한동준 ou encore les membres de Superstar K (5 et 6) Park Si-Hwan 박시환 et Hong Dae-Kwang 홍대광.
Plusieurs villes accueillent l’évènement :
- Daegu 대구, les 7 et 8 février 2015
- Busan 부산, le 15 février 2015
- Seoul 서울, le 7 mars 2015
- Goyang 고양, le 25 avril 2015
- Wonju 원주, le 1er mai 2015
Kim Kwang-Seok, « revival »
Kim Kwang-Seok fait aujourd’hui l’objet de nombreux projets. Ce regain d’intérêt transparait au travers de diverses adaptations de ses chansons dans les émissions grand public, dans les drama sud-coréens mais également dans des comédies musicales. En effet, le monde de la comédie musicale s’intéresse depuis peu à l’oeuvre de Kim Kwang-Seok. Intérêt économique ou réelle prise de conscience artistique, il n’en est pas moins vrai que l’initiative ravive le coeur des fans et permet de faire découvrir l’artiste à la nouvelle génération.
Ainsi, 2013 fût l’année où pas moins de trois comédies musicales ont proposé au public coréen un retour vers l’univers folk de Kim Kwang-Seok. Le première porte le nom de l’une des chansons de l’artiste « Where the Wind Blows ». La comédie musicale conte l’histoire d’un aspirant musicien du nom de Lee Poong-sae qui rêve de devenir chanteur comme son idole Kim Kwang-Seok. Le spectacle mettrait en avant l’universalité des chansons de l’artiste (1). La seconde comédie musicale se nomme « December: Unfinished Song ». On y retrouve notamment Kim Jun-Soo (김준수), chanteur du groupe de kpop JYJ. A l’initiative de son producteur Kim Woo-Taek, CEO de l’agence de distribution NEW, le spectacle reprend exclusivement les titres de Kim Kwang-Seok.
La troisième Comédie Musicale à reprendre les chansons de l’artiste n’est pas en reste, loin de là. « The Days » (그날들), reprenant ainsi le titre de l’une des chansons de Kim Kwang-Seok les plus appréciées, parle de l’histoire entre la fille du président coréen et son garde du corps. Bien que le synopsis apparaîsse comme un classique scénario de drama, le spectacle a trouvé son audience et en est déjà à sa troisième édition cette année. Pour couronner le tout, nous retrouvons deux têtes d’affiches bien connus du public :
– Kyu Hyun 규현 des Super Junior, participant inconditionnel des hommages à Kim Kwang-Seok. Il fait sensation dans la comédie musicale avec son interprétation du titre « Although I loved you ».
– Et Ji Chang-Wook 지창욱, nouveau talent du petit écran coréen. Chang-Wook est bien connu pour ses prestations dans les drama « Empress Ki » et plus récemment « Healer ». Mais on connaît moins son intérêt pour les comédies musicales qui lui auront pourtant permis de se faire connaître. En effet, lors des Musical Awards de 2013, le jeune acteur remporte le prix du Meilleur Nouvel Acteur sur la base de sa participation à la comédie musicale « The Days ».
On ne compte plus non plus le nombre de drama reprenant les chansons de Kim kwang-Seok, dont « Reply 1994 » qui emporte le public dans l’ambiance ‘rétro’ des années 90. Les titres de l’artiste y sont naturellement bien présents.
Mais le petit écran coréen va plus loin, proposant parfois des émissions entièrement dédiées au chanteur comme par exemple « Immortal Song » ou encore l’émission à la mode de la chaîne JTBC « Hidden Singer ». Le concept de cette dernière est de cacher plusieurs chanteurs ayant la même voix qu’un certain artiste. Le public doit alors les écouter chanter les uns après les autres et deviner qui est le vrai chanteur. Un épisode de cette émission a donc été dédié à Kim Kwang-Seok, surprenant un public jeune et moins jeune, ravivant la mémoire du chanteur mais le faisant surtout revivre un instant. L’émission recevait alors des artistes connus de la jeune génération tels que IU ou encore des membres du groupe FTIsland.
Artiste intemporel ayant fortement marqué son époque, la musique et l’histoire bouleversante de Kim kwang-Seok perdure et touche un public de plus en plus grand, dépassant les frontières mêmes de la péninsule sud-coréenne (ndlr. Le groupe de Hip-Hop allemand « Die Orsons » a dédié une chanson à l’artiste. Le nom de leur chanson n’est autre que « Kim Kwang-Seok »). Son oeuvre est une référence à connaître dans l’histoire musicale coréenne et influence encore les nouvelles générations de musiciens.
Nous laissons les derniers mots à Ailee qui proposait il y a peu une reprise époustoufflante de la chanson « Even Though I loved you » dans l’émission de KBS « Immortal Song » dédiée à Kim Kwang-Seok.
Article rédigé par Meriam et Nathalie.
Tous nos remerciements à l’agence PopinKorea pour leur aide.
Crédits photo à la Une : Photo by Jong-jin Im
(1) Analyse suggérée par : http://www.dbpia.co.kr/Journal/ArticleDetail/3551256
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