
Rencontre avec Laurent Duarte, le secrétaire général du FIFDH de Paris qui nous parle du documentaire HAEGEUMNI au Festival International des Films sur les Droits de l’Homme.
Interview réalisée par Nath Pampin pour Corée Magazine.
Le FIFDH de Paris (Festival International des Films sur les Droits de l’Homme), qui s’est tenu du 7 au 20 avril dernier, offre depuis 13 ans une sélection fort passionnante de films documentaires traitant de la question des Droits de l’Homme. Au programme, une vingtaine de documentaires de création, pour la plupart inédits en France, suivis de débats avec les réalisateurs présents ou les partenaires du monde associatif et spécialistes de la question évoquée.
Cette année encore, fidèle à son choix de proposer une programmation internationale variée sur les droits humains, le Festival a intégré dans son programme une nouvelle section, celle des courts-métrages d’animation qui a remporté un vif succès. C’est pour parler de cette nouveauté et du choix d’Haegeumni, un documentaire sur la Corée du Nord dans cette nouvelle section du festival que Corée Magazine a rencontré le Secrétaire général du FIFDH, Laurent Duarte, qui s’occupe du choix de la programmation.
Corée Magazine (CM.). Les courts-métrages d’animation, dont fait partie le court-métrage coréen Haegeumni (réalisé par Joon-su Seong), intègrent pour la première fois le programme du FIFDH de Paris, c’est une nouveauté. Pouvez-vous nous expliquer la genèse de la création de cette nouvelle section ? Pourquoi ce nouveau choix de format ?
Laurent Duarte (LD.). Deux choses sont à la base de la création de cette nouvelle section de courts-métrages d’animation. La première, c’est que la plupart des festivals de droits humains et des grands festivals de cinéma documentaire se sont saisis de l’outil animation, avec des documentaires basés sur des faits réels racontés grâce à des dessins ou des outils de synthèse. J’avais donc déjà un large choix de films très intéressants, du coup ma première réflexion a été de me dire pourquoi m’en priver ? Pourquoi me priver de films d’animation qui peuvent raconter des choses intéressantes ?
Et le second élément qui m’a amené à créer cette nouvelle section, c’est qu’il y avait aussi un public nouveau, plus jeune, moins averti par la question des Droits de l’Homme, intéressé par les nouveaux formats, qui en voyant ces films pouvaient se dire : “Tiens, il y a des films d’animation sur les Droits de l’Homme ?!”
Donc la genèse, c’est tout simplement que j’ai été chercher des films dans les meilleurs festivals documentaires du monde et notamment au DOK Leipzig, un des plus anciens festivals consacrés au film documentaire et film d’animation en Allemagne. C’est d’ailleurs dans la programmation de DOK Leipzig que j’ai trouvé le documentaire nord-coréen Haegeumni du réalisateur Joon-su Seong. J’ai lu le synopsis du film, je l’ai trouvé intéressant, j’ai donc décidé de contacter la production et de fil en aiguille, j’ai tissé toute une grille de programmation pour cette nouvelle section de courts-métrages d’animation.
CM. Avez-vous reçu beaucoup de films documentaires pour cette nouvelle section ? Aviez-vous un large choix ?
LD. J’avais effectivement un large choix, j’ai reçu beaucoup de choses mais finalement il y en a peu que j’ai sélectionné dans tout ce que j’ai reçu, à part Betty’s Blues qui a d’ailleurs remporté le prix “Lycéens et apprentis de Paris” du meilleur court-métrage. Tous les autres courts-métrages d’animation présentés dans cette nouvelle section, je les ai trouvés dans d’autres sélections de festivals. J’ai dû recevoir environ 80 courts-métrages d’animation mais la plupart n’étaient pas forcément très bons ou pas vraiment dans le sujet des Droits de l’Homme. Je pense que les réalisateurs qui nous ont fait parvenir leurs films ne savaient pas encore très bien quels types de films étaient diffusés au Festival International des Droits de l’Homme donc nous avons reçu pas mal de films d’animation qui n’étaient pas vraiment liés à notre thématique. Du coup, j’ai choisi d’aller chercher ailleurs plutôt que de dépendre uniquement des choix offerts par l’appel à films. Avec cette nouvelle section, je souhaitais aussi montrer aux sociétés de production et de distribution qu’elles avaient de nouveaux débouchés pour leurs documentaires.
CM. Quels sont, selon vous, les avantages et les inconvénients pour un court-métrage d’animation, par rapport aux autres supports, pour parler de la question des droits de l’homme ?
LD. Un des principaux avantages je pense, c’est qu’il est possible de toucher un public plus large et d’intéresser aussi un public plus jeune. Et notamment si on prend le court-métrage Haegeumni, c’est un très bon exemple. On aurait pas pu clairement tourner un documentaire en Corée du Nord, cela aurait été formellement interdit et obtenir du matériel pour le faire aurait été très difficile. Du coup, le témoignage dessiné utilisé dans le court-métrage a permis de passer outre cette interdiction. Cet outil permet de parler d’une autre manière de la question des droits de l’homme.
L’autre pendant, et je dirai même l’inconvénient, est que l’animation n’est pas toujours prise au sérieux. Elle est déjà dépréciée par rapport au documentaire alors, si en plus il s’agit d’un court-métrage (même pas un long-métrage) et d’animation, pour certaines personnes c’est un peu le côté “rigolo” du festival. Alors qu’au contraire, beaucoup de choses intéressantes peuvent être communiquées via un film d’animation.
Je pense que ce nouveau format ouvre la porte à certains publics qui vont alors s’intéresser à la question des droits de l’homme en découvrant qu’il y a des films d’animation qui parlent de ce sujet, et ferme la porte à d’autres qui vont s’en désintéresser à cause du format utilisé.
CM. Donc ce format du court-métrage d’animation dans le choix du cinéma engagé est tout aussi fort qu’un long-métrage documentaire ?
LD. Oui, tout à fait. Et puis, la réalisation d’un court-métrage est souvent un choix lié à des contraintes économiques, un choix de réalisation de premier film, de film de fin d’études donc il s’agit souvent d’un galop d’essai. Pas que, mais souvent. Mais les courts-métrages d’animation sélectionnés au FIFDH ont une particularité qui les différencient des courts-métrages documentaires ; c’est qu’il ne s’agit pas, pour la plupart d’entre eux, de courts-métrages de fin d’études. Pour les réalisateurs, ce sont souvent leur premier court-métrage et ils sont passés par d’autres créations avant d’en venir au court-métrage d’animation.
CM. Pourquoi avoir sélectionné le documentaire Haegeumni ? Quels sont les critères qui vous ont intéressé dans ce documentaire ?
LD. Le premier critère, pour ce qui est du fond, est qu’il s’agit généralement d’un sujet peu traité. Il y a peu de films ou de documentaires sur la Corée du Nord car il est difficile, voire même impossible, de filmer dans le pays. Autre critère, pour ce qui est de la forme ; j’ai choisi ce documentaire pour sa qualité esthétique, à la fois sobre et facile d’accès, qui peut plaire à un large public.
Aborder la complexité des sujets qui traitent de la Corée du Nord à travers un film d’animation, cela permet de comprendre plus aisément ce qui se passe dans ce pays et d’appréhender la difficulté de témoigner en tant que réfugié ou exilé, ce dont traite également le film.
CM. Il y a un seul documentaire qui traite de la Corée du Nord dans la sélection de cette année, le FIFDH de Paris en a-t-il sélectionné d’autres lors les éditions précédentes ?
LD. Le FIFDH de Paris avait présenté en 2005, il y a dix ans, Le Train de Séoul un documentaire américain sur les milliers de Nord-coréens tentant de fuir leur pays pour la Chine. Depuis, pas d’autre documentaire sur la Corée du Nord n’avait été présenté au festival et il s’agit du premier documentaire réalisé par un coréen sur la situation en Corée du Nord, d’où son autre caractère exceptionnel.
CM. Pour le court-métrage d’animation sur la Corée du Nord, Haegeumni, connaissez-vous son parcours avant d’avoir été présenté au FIFDH de Paris ? Dans quels autres festivals a-t-il été présenté ? A-t-il reçu des prix ?
LD. Le documentaire a circulé dans différents festivals en Corée du Sud, en Asie et en Europe (tel qu’au DOK de Leipzig dont j’ai parlé précédemment). Mais il s’agit là d’une présentation totalement inédite en France. Il a été présenté tout d’abord au FIFDH de Strasbourg où il avait d’ailleurs reçu le prix du public pour le meilleur court-métrage d’animation. Et lors de cette édition du FIFDH de Paris en avril dernier, il a remporté un vif succès auprès du public, recevant notamment une mention spéciale décernée par le Jury « Lycéens et Apprentis » dans la section films d’animation.
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Un grand merci à Laurent Duarte de m’avoir accordé du temps pour la réalisation de cette interview et à toute son équipe qui, par son professionnalisme, sa sympathie et son intéressant choix de documentaires fait de ce festival un incontournable rendez-vous cinématographique sur la question des Droits de l’Homme.
Crédits photos : ©FIFDH Paris
Liens utiles :
Site du Festival : http://www.festival-droitsdelhomme.org/paris/
Bande-annonce FIFDH 2015 : https://vimeo.com/123706492
Fiche complète du court-métrage HAEGEUMNI : ici
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