
Les relations diplomatiques entre les deux côtés du 38° parallèle ont connu de nombreux hauts et bas depuis la fin de la Guerre de Corée (1950-1953). Pourtant, on a rarement vu autant d’animosité de la part de la Corée du Nord que lors des dernières semaines : propagande sexiste et tirs de missiles semblent être une réponse directe à la volonté d’échanges accrue du Sud.
En fort contraste avec les présidences de Kim Dae-jung (1997-2003) et Roh Moo-hyun (2003-2008), celle de Lee Myung-bak (2008-2013) a brillé par son désintérêt pour la cause nord-coréenne. Pourtant, après quatre ans d’absence d’échanges, Park Geun-hye a remis le dialogue avec le Nord au cœur du débat diplomatique. Son mandat a ainsi débuté à une période de tensions particulièrement fortes avec le régime de Kim Jong-un, qui a procédé à un essai nucléaire à la frontière et parlé d’éradiquer l’île de Baengnyeong [뱅녕섬].
Si le dialogue instauré par la Présidente sud-coréenne, avec Washington d’une part et l’ONU d’autre part, a semblé aboutir à des échanges fructueux avec Kim Jong-un entre la seconde moitié 2013 et mars 2014, la belligérance du Nord est revenue à la surface en mars 2014 suite à des tirs d’obus le 31 mars, poursuivis par l’identification de drones nord-coréens arrivés au Sud début avril. Si les espions nord-coréens n’effraient en rien le Sud, les attaques à répétition font écho aux récentes déclarations de Park Geun-hye à propos des échanges entre les deux parties de la péninsule.
Une politique de coopération en vue de la réunification
Le 28 mars, Park s’est exprimée sur sa politique de réunification du pays au matin calme. Elle rompt ainsi de façon surprenante avec son prédécesseur, malgré une position fortement ancrée à droite de l’hémicycle coréen. Lors de son discours à Dresde (Allemagne), elle fait référence aux difficultés rencontrées par une Allemagne divisée pour redonner une juste place aux Allemands de l’Est. Il va sans dire que la politique de réunification coréenne est directement héritée du modèle allemand, et Park a mis l’accent sur l’importance d’activités soutenues entre les deux républiques, loin des quelques actions d’éclat plébiscitées par le président sortant Lee. Elle envisage ainsi « une Corée unifiée, libérée de la peur de la guerre et des armes nucléaires [qui] sera dans une position privilégiée pour jouer un rôle plus important dans un grand nombre d’enjeux mondiaux, tels que les opérations de maintien de la paix, la non-prolifération, l’environnement, l’énergie et le développement économique ». Pour ce faire, le Sud accroîtra l’aide humanitaire apportée aux nord-coréens, qu’il s’agisse de denrées de la vie quotidienne telles que le riz, les soins pour les femmes enceintes et les enfants nés en Corée du Nord, de leur naissance jusqu’à l’âge de deux ans.
A l’instar du parc industriel intercoréen de Kaesong, qui a dû fermer ses portes suite à la montée des tensions entre les deux Corées en avril 2013 et ne les a rouvertes qu’en septembre suivant, Park a aussi présenté une liste d’initiatives économiques entre les deux pays, ayant trait à l’agriculture, l’élevage et l’industrie ; trois segments de marché fortement dépréciés au Nord malgré un terrain plus fertile que celui du Sud. Le souvenir des famines répétées en Corée du Nord dans les années 1990 est encore très présent dans la psyché internationale, et d’autant plus au sein des familles éclatées. A terme, Park envisage que la Corée du Sud pourrait investir dans les réseaux de transport et de télécommunications au Nord, deux sujets encore brûlants dans un pays où seule une infime partie de l’intelligentsia a accès à Internet et à la téléphonie mobile, et où la majorité des trajets s’effectue à pied.
La coopération plaidée par Park ne se limite pourtant pas à un plan économique. En effet, celle-ci propose aussi un volet culturel, qui a vocation à rappeler le passé commun du peuple coréen, encore perçu comme une seule famille dans les discours du Sud. Ainsi, à travers un bureau intercoréen de coopération et d’échanges, la République de Corée pourrait « offrir des possibilités de formation et d’éducation systématiques dans les secteurs de la finance, de l’administration fiscale et des statistiques », des sujets complètement étrangers au Nord, où l’éducation se concentre sur les prouesses du Grand Leader Kim Il-sung et ses descendants.
Enfin, le dernier volet du programme de Park est directement lié à la Zone Démilitarisée (DMZ), lieu phare de la guerre de Corée. Elle envisage la création d’un parc international de la paix, qui inclurait « une voie ferrée le long de la DMZ pour relier l’Asie et l’Europe ». Si le sort des familles est resté en suspens lors de ce discours, cela reste une question sous-jacente à l’ensemble de la politique de la Présidence.
Néanmoins, les déclarations de Park n’ont pas réussi à adoucir le Nord, et le Journal des Travailleurs Rodong Shinmun [로동신문], seul journal officiel de la République Populaire Démocratique (RPDC), l’a fustigée en des termes visant à outrer le peuple sud-coréen, présentant la Présidente comme « une vieille fille excentrique » ou encore « une femelle idiote ». Selon le journal, la politique de coopération vise avant tout à nuire à l’idéologie nord-coréenne du juche [주체].
La route pour la réunification est encore longue, et le dialogue semble stagner malgré un retour du Nord autour de la table lors des négociations à six. Afin que les promesses de Park soient tenues, la Corée du Sud doit réévaluer le budget de la défense, évalué à 35,7 milliards de won en 2010, soit 2,53% du PIB. La démilitarisation et la dénucléarisation du Nord sont deux facteurs essentiels à la bonne tenue du programme visionnaire de la nouvelle Présidente de la RDC. Au vu des tensions actuelles entre les deux républiques, il y a fort à parier que seuls de forts compromis permettront d’envisager que certains des éléments du plan pourront être mis en place, en attendant la prochaine incartade entre les deux républiques.
Crédits photo à la Une : Yonhap News
Crédits photo retrouvailles des familles nord et sud coréennes : http://www.francetvinfo.fr/
Crédits photo Rodong Shinmun : http://blog.jinbo.net/CINA/
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