
A l’occasion du cycle de conférences du Centre Culturel Coréen, le Centre Français du Taekkyon nous a présenté cet art martial coréen ancestral à mains nues, qui encourage l’esprit communautaire, l’amitié et la persévérance.
Cet art aux multiples facettes est encore bien inconnu du grand public malgré ses reconnaissances officielles :
- Reconnu comme « trésor culturel intangible important » par le gouvernement sud-coréen en 1983
- Affilié au Comité olympique sud-coréen en 2001
- Reconnu tout récemment en 2011 par l’UNESCO comme patrimoine immatériel de l’humanité.
Les origines du Taekkyon
Il reste peu de documents relatant du Taekkyon (MCR : t’aekkyŏn, RR : taekgyeon Hangeul : 택견). Hormis les guerres et invasions de la Corée qui ont pu les faire disparaître, on sait aussi que les classes dirigeantes de la dynastie Joseon (1392-1910) ont négligé le domaine militaire au profit des lettres. Néanmoins, des documents qui citent le Taekkyon ont persisté au court des siècles.
Plusieurs fresques murales datant du 5ème siècle, période d’apogée pour le royaume de Goguryeo, montrent la popularité d’un art martial asiatique à mains nues. On sait également que le peuple de ce royaume, souvent au combat, pratiquait l’art martial comme entraînement (notamment les officiers nobles, Seonbi, et les agriculteurs, soldats de réserves, Sanmusa).
Le royaume de Silla quant à lui bénéficiait d’une situation géographique favorable permettant l’établissement d’une société plus paisible. Cette société agricole, plus optimiste et pacifique, avait deux grands événements festifs au printemps et à l’automne. Les hommes faisaient alors des compétitions d’arts martiaux. La victoire d’un joueur faisait espérer une bonne récolte et beaucoup de bonheur à son groupe. Il y a néanmoins peu d’informations concernant les Hwarang, le groupe de jeunes hommes d’élites. On pense qu’ils pratiquaient également les arts martiaux.
L’origine principale supposée du Taekkyon est le Subak / Subakhui (littéralement, le jeu où on frappe avec les mains. 수박희). Les premières apparitions du mot datent du royaume de Goryeo (de 918 à 1392, originaire du mot Corée). Durant cette période, le Subak était un loisir autant pour le peuple que pour le roi lui-même. Le mot apparaît d’ailleurs plusieurs fois dans le Goryeosa, ouvrage à 139 volumes retraçant l’histoire du royaume. La fin du royaume connaît de nombreuses luttes de pouvoirs entre les hauts fonctionnaires militaires et les hauts fonctionnaires lettrés. L’art de la guerre est méprisé au profit des lettres. Le Taekkyon est alors populaire auprès du peuple et dédaigné par la classe dirigeante.
Mais c’est sous la dynastie Joseon (1392 à 1910) qu’apparaît le mot Taekkyon, sous la forme “탁견” Takkyon (MCR : t’akkyŏn, RR : takgyeon) tout d’abord. Le Subak est directement associé au Takkyon (Encyclopédie Jaemulbo de 1789). Le Subak était à la fois un test d’aptitude et de recrutement à l’armée ainsi qu’un divertissement pour le roi et pour le peuple.
La coutume populaire était pratiquée pendant les fêtes. On l’appelait le Kyollyon Taekkyon. Voici un extrait du livre de LEE Yong-Bok, grand maître de Taekkyon :
« A la fin de la dynastie Joseon, les compétitions de Taekkyon rassemblaient des habitants de deux villages. Les combats se déroulaient principalement la nuit lors des fêtes saisonnières comme Chuseok ou Dano. Ou bien, cela pouvait être le 15ème jour d’un mois lunaire (jour de pleine lune). Les combats se succédaient parfois sur trois ou quatre jours d’affilés. […] L’ambiance était festive et enthousiaste. »
L’objectif était de faire tomber l’adversaire ou de lui mettre un coup de pied à la tête, sans le blesser.
Daekwaedo, une peinture de 1846 illustre la pratique du Taekkyon et du Ssireum (lutte traditionnelle coréenne) à cette période.
La survie du Taekkyon
De 1910 à 1945, une politique de suppression fît disparaître le Taekkyon sous l’occupation japonaise. Suivie de la division de la péninsule coréenne en 1948 et de la guerre de Corée de 1950 à 1953. Cette dernière fit près de 2 millions de morts. La plus grande partie des experts de Taekkyon n’y ont pas survécu. La période de reconstruction du pays n’apporta pas de temps pour la réhabilitation de ce loisir ancien.
SONG Dok-Ki (1893-1987), le dernier maître survivant de Taekkyon, permis néanmoins sa transmission en formant des maîtres contemporains (dont LEE Yong-Bok).
Après quasiment 80 ans de disparition, le Taekkyon est réhabilité sous forme sportive. Depuis la première en 1985 à Busan, une dizaine de compétitions de niveau national sont organisées chaque année en Corée du Sud. Des démonstrations ont eu lieu dans le reste du monde dès 1996.
Des aspects techniques spécifiques au Taekkyon
Le Taekkyon est un art accessible à tout âge. Il est à la fois art martial, jeu et sport de combat, activité gymnique et peut servir à la self-défense. Il aide au développement physique (équilibre, coordination motrice, souplesse, rapidité, endurance, etc.) mais aussi psychologique (concentration, persévérance, stratégie de combat, prévenance pour son prochain, etc).
La méthode de déplacement du Taekkyon est le Pumbalki. Il s’agit d’une manière de se déplacer un peu dansante.
Le Taekkyon possède quatre onomatopées :
- Gumshil Gumshil (굼실굼실): mouvement de flexion-extension de la jambe
- Neungcheong Neugcheong (능청능청): mouvement élastique d’avant en arrière du bas ventre
- Ujjul Ujjul (우쭐우쭐): mouvement rythmé du corps pendant le Pumbalki
- Eusseuk Eusseuk (으쓱으쓱): air de fanfaronner en haussant les épaules pendant le Pumbalki
Le concept majeur pour le Taekkyon est l’hospitalité, l’accueil, Daejeop, autrement dit la prévenance pour l’autre joueur. L’objectif n’est donc pas de faire mal à l’adversaire mais de casser son équilibre et de le faire tomber. Pour cela, le Taekkyon utilise une manière poussante de frapper l’adversaire : le Neunjireugi.
C’est pour cette raison que les techniques de frappe aux points sensibles du corps: la Yetbeop, ayant pour but de faire mal à l’adversaire, sont traditionnellement interdites en compétition.
Les tenues du Taekkyon
Au 19ème siècle, il n’existait pas de tenue particulière : les joueurs pratiquaient avec leurs habits de tous les jours.
Ce n’est qu’en 2002 que le professeur SO Hwang-ok met en place une tenue spécifique, le Taekkyon-bok. Pour cela, il prend pour modèle le Cheollik, un vêtement porté durant la fin de la dynastie Goryeo. Celui-ci était porté par le Roi et sa Cour, puis par les fonctionnaires, militaires et la classe populaire. Sa particularité est d’avoir des manches détachables (initialement pour faciliter le geste au tir à l’arc).
Cette conférence nous a été présentée par Jean-Sébastien Bressy et de Guillaume Pinot, fondateurs et enseignants du Centre Français du Taekkyon.
Pour plus d’informations, vous pouvez consulter le site internet taekkyon.fr
Voir la conférence :
3 Commentaires
Très intéressant ; future discipline olympique ? comment se situe-t-il dans les arts martiaux ?
Merci « Rêve d’harmonie » pour ton commentaire !
Le Taekkyon n’est pas encore entré dans les disciplines olympiques. Pour le moment, il reste bien moins connu que le Taekwondo, beaucoup plus populaire.
Néanmoins, des championnats internationaux ont lieu tous les ans ! Cette année, la 13ème édition avait lieu à Versailles 🙂
[…] à sa gestuelle car sa méthode de déplacement s’effectue comme des pas de danse (lire notre article sur le Taekkyon). Cependant, celui qu’il faut garder en mémoire est le Taekwondo, sport reconnu aux jeux […]