
La Maison des Cultures du Monde créé une série de trois albums consacrée à l’art du sanjo coréen. Ces CD sont édités chez INEDIT, label de la MCM ayant pour objectif de promouvoir des traditions musicales méconnues.
Découvrez l’art du Sanjo d’Ajaeng, de Geomungo et de Gayageum
Nous l’avions évoqué dans un précédent article, la musique et danse traditionnelles sont à la fois source d’émotions et de méditation. Elles sont aussi un art ancestral qui se raréfie et que l’UNESCO qualifie de bien immatériel important. C’est le cas de l’art du Sanjo, suite pour instrument solo accompagné d’un tambour (tonneau puk ou sablier janggu), qui incarne plus que tout autre la musique traditionnelle des Coréens d’aujourd’hui.
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Le mot sanjo signifie mélodies éparpillées, renvoyant à l’origine improvisée et évolutive du genre musical. L’art du sanjo naît sous la dynastie Joseon, vers la fin du 19ème siècle. Il n’est ni une musique de cérémonie, ni de rituel, et n’est pas non plus en lien avec l’aristocratie ou la religion. Le sanjo est une expression de l’âme, et particulièrement de la vie de son interprète. En effet, le sanjo est à l’origine un art d’improvisation pour lequel il est essentiel de comprendre l’instrument et ses possibilités techniques. Le sanjo est aussi un reflet de l’histoire coréenne. Tendez l’oreille, vous serez touchés par la tendresse coréenne, ses moments de tranquillité, ses souffrances et ses passions, sa déchirure et sa ténacité.
Cet art musical tire sa popularité de sa liberté vis-à-vis des codes confucéens. Il est à la fois savant et populaire, peut revêtir différentes formes (chant narratif, spectacle masqué) et surtout, parle de la vie quotidienne. Ses plus grandes influences sont le Sinawi, musique chamanique improvisée et le pansori, chant narratif. On compare d’ailleurs le sanjo à un pansori sans paroles.
L’art du Sanjo d’Ajaeng, par Kim Young-Gil
Kim Young-Gil nous avait présenté le Sinawi lors d’un spectacle au Centre Culturel Coréen, extrait de cet album sorti en septembre 2012. Il hérite sa maîtrise de la cithare à archet coréenne de son maître Pak Jong-Su.
La structure musicale du sanjo d’ajaeng est assez proche du modèle d’origine, rythmées sous forme de questions et de réponses, de tensions et d’apaisements. Moins empreint à la mélodie et moins complexe que l’art du sanjo de Gayageum, le sanjo d’ajaeng peut sembler difficile à aborder pour des non initiés. Pour apprécier ses cadences à leur juste valeur, il faut avoir un intérêt et une curiosité certaine pour la culture et l’histoire coréenne. A cette condition, les sons prennent toutes leurs significations et les émotions sont plus fortes.
La deuxième partie de l’album vous entraîne dans une composition de Sinawi de Kim Young-Gil. Pour rappel, le sinawi est à l’origine une musique improvisée lors des rituels chamaniques, et parfois lors d’autres événements. Cette caractéristique du sanjo d’ajaeng est décrite comme un « chaos harmonieux ». En définitive, le sinawi est plus mélodieux et plus chaotique que la première partie. L’enchaînement des notes est plus marqué, voire surprenant.
L’art du Sanjo de Geomungo, par Lee Jae-Hwa
Lee Jae-Hwa fait partie de la troisième génération des disciples de Baek Nak-Jun, créateur du sanjo de geomungo. Son travail sur les différents sanjo lui vaut le titre de dépositaire du trésor immatériel n°16, le sanjo de geomungo, dont elle nous offre un extrait dans cet album sorti le 4 mars 2013.
On estime l’apparition du geomungo vers l’an 357 dans le royaume de Goguryeo. Au début, il est dédié aux musiques rituelles de cour et ne se répand qu’au IXème siècle. Puis, pendant l’apogée de la dynastie Joseon (fin 18ème siècle), le geomungo s’adapte au ballades chantées et prend un rôle majeur dans la musique des lettrés, inspirée de la communion avec la nature encore chère aux coréens aujourd’hui. L’instrument du geomungo est une grande cithare à six cordes en soie parfois surnommé « le Chef des cent musiques ».
Dans cette version du sanjo de geomungo, les mélodies sont élégantes et rythmées par les caractéristiques percussives de l’instrument. Comparé au sanjo d’ajaeng, le geomungo semble plus proche de l’auditeur, plus accessible. Sa virtuosité est une invitation à la méditation et à l’apaisement. On apprécie dans cet album ses lignes sonores délicates et ses rythmes marqués autant que ses silences. Ces derniers s’apparentent à des notes au même titre que les autres sons. Les amoureux de la musique traditionnelle coréenne seront comblés par cet album. Les autres se laisseront vite bercer par les sons contrastés de la cithare geomungo.
L’art du Sanjo de Gayageum, par Park Hyun-Sook
Park Hyun-Sook est une ancienne membre de l’ensemble du National Center for Korean Traditional Performing Arts. En plus de sa carrière de soliste, lui permettant d’enregistrer et de faire des concerts à travers le monde, elle enseigne au département de musique de l’Université Seowon où elle dirige également un ensemble de Gayageum.
Le gayageum est également une cithare à 12 cordes en soie. Sa musicalité est de loin la plus répandue parmi les adeptes de la culture coréenne. Instrument emblématique de la culture traditionnelle, ses mélodies sont souvent mises en scène dans les films et dramas coréens. Aussi et surtout, le gayageum est l’un des premiers instruments pour le sanjo. Portant à la réflexion et à la légèreté, le sanjo de gayageum est aussi beaucoup plus mélodieux et régulier que les autres. Les rythmes sont moins entreprenants et laissent la place aux nombreuses variantes offertes par la cithare. Parfois, on reconnaît également de façon plus évidente des enchaînements de notes similaires au Pansori (chant narratif). Ce troisième album se montre donc plus narratif et plus explicite avec des mélodies plus présentes. Un bel hommage à la cithare emblématique coréenne.
Créée en 1985, la collection INEDIT de la Maison des Cultures du Monde s’attache à nous faire découvrir des traditions musicales menacées ou méconnues, ainsi que des artistes qui font vivre ces traditions. Chaque album, en plus d’une incroyable qualité artistique, met à disposition un livret vous permettant de mieux connaître les traditions et l’histoire qui entourent ces arts musicaux.
Pour écouter quelques extraits : http://www.mcm.asso.fr/site02/inedit/cd260142.htm
Crédits photos : Maison des Cultures du Monde. Label Inédit.
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