
Dernière projection avant l’été pour le cycle Focus Corée qui nous faisait découvrir les transfugent nord-coréens au travers de témoignages poignants. Et cette fois-ci, les documentaires nous ouvraient à de nouveaux questionnements.
Une fois n’est pas coutume, nous avons plaisir à vous décrire les documentaires du cylcle Focus Corée. Pour cette quatrième projection du 11 juin 2013, ICTV-Solférino a proposé une vision nouvelle de la société coréenne et des transfugent nord-coréens. Une vision moins éprouvante à découvrir, plus riche en informations, et mettant plus en avant l’entre-aide entre les rescapés.
La projection commence avec « Make-up », un court-métrage étonnant de Hyun Jeong-Jae (2011, 34′). Le film conte l’histoire de Mi-ji, une jeune sud-coréenne modèle travaillant dans un institut de beauté. Tout semble lui réussir : travaille, beauté, fiancé.
Elle croise un jour dans le métro de Séoul une jeune fille, Eun-na, qui travaillait avec elle un an auparavant. Le lendemain à l’institut, une mystérieuse photo apparaît. Celle-ci montre une employée de l’institut, masquée mais seins nues et dans une pose scandaleuse. Selon la rumeur, l’employée de la photo ne serait autre que Mi-ji elle-même. D’autant que le collier de Mi-ji se trouve être sur la photo. Mais Mi-ji nie catégoriquement et tente de rappeler à tout le monde cette ancienne employée, Eun-na, qui avait le même collier. Mi-ji tente de retrouver Eun-na. Le réalisateur nous montre alors une brillante mise en scène de l’esprit de Mi-ji. Et dans cet esprit comme dans les plans du réalisateur, tout s’oppose : pudeur contre extrême sensualité ; intimité et entrevues ; preuves contre souvenirs ; Miji et Eun-na. Toutes ces oppositions se retrouveront finalement toutes dans la scène finale.
Après ces premières vingt minutes, nous découvrons le documentaire « En quête d’un havre de paix », un documentaire d’espoir de Lee Hark-Joon (2013, 52′). Le documentaire nous offre le témoignage de Young-Soon, une nord-coréenne de 23 ans habitant aujourd’hui en Corée du Sud. Young-Soon partage l’histoire émouvante de sa fuite.
C’était en 2007. Young-Soon et sa sœur Mihee s’échappent de Corée du Nord pour se réfugier au Nord de la Chine. Mais la situation des réfugiés nord-coréens en Chine est telle qu’il est dangereux de rester. Young-Soon décide donc de rejoindre la Corée du Sud. Sa sœur n’ayant pas assez d’argent, elle décide de rester en Chine avec son bébé. La séparation des deux sœurs, qui venaient de se retrouver, est poignante. Toutes deux attendent avec impatience de se retrouver à nouveau dans un lieu sûr, et libre. Cette attente, elles la vivent la peur au ventre car pour les coréens du Nord, la fuite est passible d’emprisonnement, de tortures mais surtout de peine de mort.
Young-Soon entreprend son périple avec huit autres transfuges. Pendant dix jours, ils marcheront jusque Bangkok en passant par le Laos. Traversée du Mékong, entrée clandestine de nuit dans trois frontières, marche de 16h dans les montagnes ; des disparitions ou des morts arrivent souvent durant ce type de périple. Les clandestins ne sont pas en sécurité au Laos, tandis qu’en Thaïlande, ils peuvent avoir le statut de réfugié. Nous retrouvons Young-Soon deux ans plus tard en Corée du Sud. Sa sœur Mihee a quant à elle été renvoyée en Corée du Nord par les autorités chinoises suite à une descente dans le repère des réfugiés. Personne ne sait où elle est désormais, et c’est le cœur serré que Young-Soon montre devant la caméra la dernière photo qu’elle a d’elle et sa sœur, ensemble. « C’est la seule que j’ai, je ne pourrai plus en prendre d’autres », dit-elle.
Young-Soon vit dans une église locale et prend des cours à l’Université. Quand elle appelle sa famille en Corée du Nord (en passant par un téléphone chinois), son père lui apprend que sa sœur est emprisonnée dans un camp, le camp de travail n°22, celui réservé aux prisonniers politiques. Autrement dit, l’un des pires camps de Corée du Nord duquel il est quasiment impossible de sortir, même en essayant de corrompre les gardes. Mihee a été transféré dans ce camp car elle a été nommée « coupable de trahison ». Du coup, sa famille est également très surveillée et il sera quasiment impossible de faire sortir son père du pays. Mais Young-Soon veut essayer et retourne en Chine pour rencontrer un intermédiaire, un passeur sino-coréen qui tentera de faire passer la frontière à son père. Cette tâche se trouve finalement impossible du fait de l’emprisonnement de Mihee. Avant de retourner en Corée du Sud, Young-Soon, toujours en Chine, se rapproche de la frontière avec la Corée du Nord. L’émotion est grande. La région de Musan où habite son père est justement à la frontière et c’est avec une douce émotion que Young-Soon se rappelle les moments passés avec sa famille dans son enfance. Elle réalise alors qu’il est peut-être mauvais de s’acharner en vain. « Je suis si près que si je criais, ils m’entendraient » dit-elle. « ça n’a pas changé, mais moi j’ai changé. »
Six mois plus tard, Young-Soon est en Nouvelle-Zélande. L’Eglise l’a invité à venir apprendre l’anglais dans une école et à loger dans une famille d’accueil locale. La vie y est douce pour Young-Soon qui confie. « Je crois que je suis heureuse ». Plus tard, Young-Soon retourne en Corée du Sud pour aider les nord-coréens arrivés au Sud à se construire une nouvelle vie.
Cet accompagnement est primordial. Il n’est pas aisé pour les transfuges de profiter pleinement de leur nouvelle vie sans culpabiliser, sans penser à leur famille. S’acharner à faire sortir sa famille de Corée du Nord, ou profiter d’une nouvelle vie pour eux. La poids de la culpabilité est lourd et dérangeant.
C’est sur cette thématique principale que le débat se posera après la projection du documentaire. Anne Castagnos, responsable des actions extérieures pour Amnesty International accompagnait ce débat. Les seules photos prises des camps en Corée du Nord sont prises par satellite. Et ce qui est visible, c’est que les camps ne cessent de grandir. On estime ainsi entre 200,000 à 500,000 personnes emprisonnées. Dans ces camps, les prisonniers sont torturés et vivent dans des conditions insalubres. Ils travaillent aussi à la production de produits de consommation. En fait, les camps regroupent à eux seuls la quasi-totalité des crimes contre l’humanité. C’est pourquoi une commission d’enquête Internationale a été mise en place par une coalition de 40 ONG à travers le monde. L’objectif étant de répertorier un maximum de témoignages et de preuves.
Des témoignages, il y en a de plus en plus, au fur et à mesure. Nous pensons notamment à Joseph Kim, rescapé vivant aux Etats-Unis qui donnait il y a peu un témoignage époustouflant de son histoire pour les TED Talks. Retrouvez ce témoignage sur le site TED.COM. Un autre témoignage est celui de Shin, décrit dans le livre « Rescapé du camp 14 » du journaliste Blaine Harden aux Editions Belfond.
2 Commentaires
Je tenais à vous écrire combien j’ai aimé votre article, la retranscription des témoignages et vraiment bien faite et m’ont beaucoup touché, encore merci et encore encore de bons articles.
Bonjour Tozzi
Merci beaucoup pour ton commentaire, il m’a également beaucoup touché. Nous allons continuer à faire de notre mieux pour écrire de bons articles.
A très bientôt !